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Le marxisme au présent
19 décembre 2012

La Monarchie de juillet jugée par Karl Marx

                                                            

 

 La Monarchie de juillet jugée par Karl Marx

 

"Après la révolution de juillet [1830], lorsque le banquier libéral Laffite conduisait en triomphe son compère le duc d'Orléans [le nouveau roi Louis-Philippe après l'abdication de Charles X] à l'hôtel de ville, il laissa échapper ces mots : " Maintenant, c'est le début du règne des banquiers." Laffite avait trahi le secret de la révolution. La bourgeoisie française ne régnait pas sous Louis-Philippe, c'était une fraction de celle-ci : banquiers, rois de la Bourse, rois des chemins de fer, propriétaires de mines de charbon et de fer, propriétaires de forêts et la partie de la propriété foncière ralliée à eux, ce que l'on appelle l'aristocratie financière. Elle trônait, elle dictait les lois aux Chambres, distribuait les charges publiques, depuis les ministères jusqu'aux bureaux de tabac. La bourgeoisie industrielle proprement dite formait une partie de l'opposition officielle, c'est-à-dire qu'elle était minoritaire dans les Chambres. Son opposition se fit de plus en plus résolue au fur et à mesure que le développement de l'hégémonie de l'aristocratie financière devenait plus net ; après les émeutes de 1832, 1834 et 1839 qu'elle noya dans le sang, elle crut elle-même sa domination sur la classe ouvrière plus assurée ... La petite bourgeoisie dans toutes ses nuances et la classe paysanne étaient complètement exclues du pouvoir politique. Enfin se trouvaient dans l'opposition officielle, ou complètement en dehors du pays légal, les représentants idéologiques et les porte-parole des classes que nous venons de citer, leurs savants, leurs avocats, leurs médecins, etc., en un mot ce que l'on appelait les capacités. Dès le début, la pénurie financière mit la monarchie de juillet sous la dépendance de la haute bourgeoisie ... L'endettement de l'Etat était ... l'intérêt direct de la fraction bourgeoise qui gouvernait et légiférait avec les Chambres. Le déficit de l'Etat était l'objet même de ses spéculations et la source principale de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or chaque nouvel emprunt fournissait à l'aristocratie financière une nouvelle occasion de frustrer l'Etat, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers, dans les conditions les plus défavorables ... Le pillage de l'Etat en grand, tel qu'il se pratiquait avec les emprunts, se répétait en détail dans les travaux publics. Les relations entre la Chambre et le Gouvernement se trouvaient multipliées sous forme de relations entre certaines administrations et certains entrepreneurs ... La monarchie de juillet n'était qu'une société par actions fondée pour exploiter la richesse nationale française, dont les dividendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres, deux cent quarante mille électeurs et leur clientèle. Louis-Philippe était le directeur de cette société : Robert Macaire sur le trône. Le commerce, l'industrie, l'agriculture, la navigation, les intérêts de la bourgeoisie industrielle étaient menacés et lésés sans cesse par ce système ... La bourgeoisie industrielle voyait ses intérêts menacés, la petite bourgeoisie était moralement indignée, l'imagination populaire s'insurgeait. Paris était inondée de pamphlets : "La dynastie Rothschild", "Les Juifs, rois de l'époque", etc., où l'on dénonçait, flétrissait avec plus ou moins d'esprit, la domination de l'aristocratie financière. Rien pour la gloire ! La paix partout et toujours ! La guerre pèse sur le cours du trois et du quatre pour cent. Voilà ce qu'avait écrit sur son drapeau la France des Juifs de la Bourse. Aussi sa politique étrangère sombra-t-elle dans une série d'humiliations du sentiment national français, qui réagissait avec d'autant plus de vivacité que l'annexion de Cracovie par l'Autriche avait consommé le pillage de la Pologne et que Guisot, dans la guerre du Sonderbund helvète, s'était mis activement du côté de la Sainte-Alliance. La victoire des libéraux suisses dans ce semblant de guerre redonna de la confiance à l'opposition bourgeoise en France, le soulèvement sanglant du peuple à Palerme agit comme une décharge électrique sur la masse populaire paralysée et réveilla ses grands souvenirs et ses passions révolutionnaires.

 

" Extrait de Les luttes de classes en France , édit. le/18, pp. 68-73

 

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